La voie de l'humilité

Les années passent à pratiquer inlassablement, à démêler les principes directeurs, à déjouer les pièges de l'illusion, à nouer des relations au sein d'une même communauté, et il est tentant de porter un regard parfois sévère et teinté d'amertume sur le temps déjà écoulé.

Les souvenirs des débuts, éventuellement complétés par des traces écrites ou en images, permettent de mesurer les progrès accomplis. La maladresse et l'ignorance ont fait place à une certaine aisance et à une meilleure compréhension. Les détours pris et les erreurs commises laissent parfois un goût amer et le sentiment d'avoir perdu un temps précieux. Mais pouvait-il en être différemment ? Aurions-nous emprunté un autre chemin si un guide avait surgi pour éclairer notre voie ? Rien n'est moins sûr, et les regrets ne combleront pas le temps supposé perdu.

L'élève étant devenu enseignant, nous mesurons aujourd'hui l'importance de transmettre les principes techniques et théoriques que nous avons compris en espérant que le parcours de nos élèves sera moins tortueux que le nôtre. Ce sont des recommandations pratiques sur les consignes à respecter pour acquérir des bases solides, pour développer petit à petit une conscience accrue de son corps, mais aussi des enseignements théoriques qui devraient permettre à l'élève de s'orienter au mieux, de ne pas céder aux pièges de la facilité tout en prenant plaisir à pratiquer. Parfois, les progrès observés chez certains élèves offrent une réelle satisfaction et un réconfort lié au sentiment que les efforts ne sont pas vains et que la pratique va perdurer.

Demeure le regard que chacun doit porter sur sa propre pratique. Car dans l'ombre de l'élève devenu enseignant se tapit son maître, qui continue à dispenser ses conseils, à préciser les consignes, à exiger de franchir des étapes jusqu'ici inconnues. Et l'on s'aperçoit que le chemin est encore infiniment long et que le temps qui nous est accordé sur cette terre ne suffira sans doute pas. C'est alors qu'on découvre avec fulgurance que la pratique ne constitue que la partie visible tandis que la partie immergée, beaucoup plus vaste et profonde, est celle de l'humilité.